Ask the cat, par Satoru Toma

Tel un chat qui explore petit à petit un nouveau territoire, le photographe japonais Satoru Toma s’est longuement baladé aux frontières de Bruxelles.  Régulièrement, il est monté aux hasard dans un tram, un bus, une rame de métro et en est descendu à son terminus, aux confins de la ville.  Il a ainsi exploré et photographié les limites de Bruxelles.   Loin des monuments historiques et des maisons alignées, ses photographies nous invitent à découvrir un Bruxelles inhabituel : des espaces champêtres, des bois, des terrains vagues, …  Souvent, il n’y a ni adulte, ni enfant sur la photo, mais les traces de l’activité humaine sont néanmoins omniprésentes : objets abandonnés, petites maisons ou immeubles tours, ruches ou autoroutes, chantiers définitivement provisoires.

Souvent les constructions humaines semblent coloniser la nature et la dompter.  A moins que cela ne soit le contraire…

Ask the cat, photographies de Satoru Toma, texte de Caroline Lamarche, interview de Satoru Toma par Jean-Louis Godefroid, Ed. Le Caillou bleu, Espace photographique Contretype, 2011

Cet article a également paru dans Village mondial n°40

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La mauvaise habitude d’être soi, par Martin Page

Bien étrange petit recueil de nouvelles…Un policier débarque un jour chez un homme (bien vivant) et lui déclare qu’il a été victime d’un assassinat. Un autre homme décide d’habiter à l’intérieur de lui-même en toute intimité. Un autre encore postule pour être coupable mais a-t-il vraiment la tête de l’emploi ? Puis il y a celui qui découvre par hasard qu’il fait partie d’une autre espèce que sapiens sapiens.

Sept situations cocasses qui donnent à réfléchir sur nos conditions d’humains pris au piège de la ville, du boulot, des routines de l’existence et de soi-même.

Cynique, absurde et drôle Martin Page ne me déçoit jamais.

La mauvaise habitude d’être soi / Martin Page ; illustré par Quentin Faucompré . – Paris : Editions de l’Olivier

 

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Tip-tap : mon imagier interactif d’Anouck Boisrobert et Louis Rigaud

Tip tap tip tap tip tap… vous reconnaissez ce bruit? C’est celui des doigts qui tapent sur un clavier.

Avec ce livre, les auteurs réinventent l’imagier, ouvrage incontournable que les enfants parcourent avec leurs parents pour apprendre des mots de vocabulaire. Comment? Tout simplement avec l’apport des nouvelles technologies.

Concrètement, avec le livre est fourni un CD-ROM qui installe un logiciel sur ordinateur (MAC ou PC). Une fois le programme lancé, chaque mot tapé s’illustre et prend vie sous nos yeux. Un exemple? Si vous écrivez garçon, vous le verrez apparaître et marcher. Puis, si vous tapez guitare, elle apparaîtra à son tour et l’enfant la prendra pour en jouer.

Vous l’aurez compris, cet ouvrage se destine aux enfants qui apprennent à écrire tout en leur ouvrant les portes de la rédaction sur ordinateur en y apportant un côté ludique appréciable. Voilà qui méritait d’être signalé tant la démarche de cet ouvrage est originale.…

Je suis favela

 

Il s’agit d’un ouvrage contenant 22 courtes fictions écrites par un collectif de 9 écrivains issus de banlieues brésiliennes. Dans un style radical, direct, hyper réaliste, ces auteurs engagés y racontent le quotidien des favelas. Tantôt ironiques, tantôt désespérants, tantôt violents, ces textes donnent la parole à ses habitants, exclus sociaux, exclus culturels aussi, qui forment pourtant la majorité du pays. Véritable coup de poing, ces  nouvelles, nous ouvrent les yeux sur différentes facettes de ces ghettos dont tout le monde a entendu parler mais que personne ne connaît vraiment…

La seconde partie du livre est constituée d’articles de presse et d’entretiens qui permettent de faire le lien entre fiction et réalité. Après un rappel historique des favelas, on y aborde, entre autres, les thèmes de la violence urbaine, du trafic de drogues, de la police, de la politique intérieure brésilienne, du funk.

 « Je suis favela, je suis le Quartier, je suis la rue, je suis ouf ! Mais avant ça, je suis littérature, et ça ils peuvent le nier, fermer les yeux, tourner le dos mais on ne bougera pas d’ici tant que s’élèvera le mur social invisible qui divise ce pays » (extrait de l’introduction)

A découvrir de toute urgence !

Je suis favela / Collectif, Anaconda Editions, 2010

Cet article a été publié précédemment dans Le Village Mondial n° 40

Quand Monsieur Jourdain tient une chronique de 2009 à 2011…

L’air de rien : chroniques 2009-2011 de François Morel ; Denoël

« Comme l’oryx de Libye, l’ours blanc, l’hippopotame ou la gazelle du désert, les mots sont une espèce en voie d’extinction… On ne les regarde même plus, ces mots à l’agonie. Le ciel ne sera plus jamais nubileux… »

Cet extrait est choisi dans le recueil de chroniques que le Sieur Morel tint durant les 3 dernières années sur France Inter dès potron-minet. Comme ce « généroriste »,  comédien léger et précis, ce chanteur subtil et mélodiste, comme ce comique doux et indigné de l’intérieur, ses billets puisent dans l’air du temps et passe au crible ou au tamis c’est au choix la vie de nos grands hommes, les chagrins et les générosités du temps. On y rencontre le parapluie d’Angela, des fouines et des taupes, des chercheurs du point G et Gaspard, Melchior et Balthazar entre autres, un bonheur d’intelligence, une élégance dans l’uppercut. A savourer sans retenue car «l’air de rien… »

Retrouvez les billets de François Morel sur France Inter : www.franceinter.fr/emission-le-billet-de-francois-morel…

L’arbre rouge de Shaun Tan

 

Il est des albums pour la jeunesse qui fascinent par leurs côtés artistiques très prononcés. Qui laissent le lecteur pantois face à une profondeur visuelle et textuelle. C’est le cas de l’arbre rouge de Shaun Tan. Dans cet album, l’auteur nous emmène dans un voyage au pays de la mélancolie et de la solitude. Bien que le texte soit très court, il fait mouche au côté d’illustrations très symboliques à l’esthétique très prononcée. L’ensemble, offrant au lecteur, un récit très poétique. Bien qu’à destination de la jeunesse, ce livre fera le bonheur des adultes qui aiment se laisser entraîner dans un voyage poétique et symbolique. Enfin, cet album s’est vu discerner le prix « Astrid Lindgren 2011 ».

Pour enfants à partir de 10 ans, mais aussi pour les plus grands.…

Le Yark de Bertrand Santini et Laurent Gapaillard

« Parmi tous les types de monstres qui grouillent sur la terre, l’Homme est l’espèce la plus répandue. Il en est une autre, cependant, plus rare et moins connue. C’est le Yark. »

C’est ainsi que commence ce court roman à destination de la jeunesse dans lequel cette créature dévore les enfants sages et à qui les canailles et autres fripouilles lui donnent le mal de ventre. Difficile donc, à notre époque, pour cette curieuse créature de se nourrir. Jusqu’au jour où le Yark fait la rencontre d’une petite fille qui va bouleverser sa vie du tout au tout.

Bertrand Santini nous livre ici un récit, emprunt d’humour noir, à la fois atroce et touchant, qui sert quelque fois de prétexte à une réflexion sur l’enfance et le passage à l’adolescence et à l’âge adulte.

Laurent Gapaillard, quant à lui, illustre parfaitement cette grosse créature, qui visuellement ressemble à la fois à un maximonstre et à un certain Totoro.

Pour enfants à partir de 10 ans.…

« Toute une histoire » de Hanan El-Cheikh

C’est la belle histoire de deux femmes : Hanan, l’auteur,  et  sa mère Kamleh, analphabète, mariée au Liban à l’âge de 13 ans avec un homme beaucoup plus âgé alors qu’elle est amoureuse d’un jeune étudiant.

Ce livre permettra à l’auteure de se réconcilier avec sa mère et à la libérer. En effet, elle devra abandonner ses deux premières filles pour pouvoir divorcer et vivre son histoire d’amour avec Mohamed.

Tout en nous contant par le menu l’histoire de sa mère l’auteure nous entraîne à la découverte de  l’histoire de son pays, le Liban.

Toute une histoire par Hanan el-Cheikh

Actes Sud…

L’origine des systèmes familiaux, tome 1 : l’Eurasie, par Emmanuel Todd

Après le « Rendez-vous des civilisations » et « L’illusion économique » (entre autres) ; Emmanuel Todd, démographe, anthropologue et historien continue sur sa lancée en expliquant le monde, ses sursauts et autres conflits en analysant la fondation et le développement des systèmes familiaux. Ce premier tome se centre sur les différentes régions de l’Eurasie (Europe, Moyen-Orient, Chine, Japon, Inde, Asie du Sud-Est).

Les travaux d’Emmanuel Todd visent à montrer l’importance des noyaux familiaux (les familles nucléaires, communautaires ou souches) dans tous les choix sociaux, politiques et économiques des peuples. Ils mettent en évidence que les populations d’Europe, d’Asie et du Moyen-Orient se ressemblent plus qu’on ne le croit ou, du moins, tendent à se rapprocher anthropologiquement au fil des siècles.

C’est dans cette perspective qu’Emmanuel Todd se veut défenseur d’un rendez-vous des civilisations plutôt que d’un choc des civilisations.

La lecture des essais d’Emmanuel Todd peut s’avérer ardue. Dès lors, on les lit chapitre par chapitre, lentement mais sûrement ; et on en sort enrichi par l’histoire de ces peuples millénaires.

Si vous cherchez à comprendre la complexité des relations humaines, si vous espérez en la rencontre des peuples, si vous vous demandez en quoi la famille peut être un facteur d’émancipation ou d’emprisonnement ; n’hésitez pas et venez emprunter cet étonnant essai.

Emmanuel Todd s’exprime sur ce livre ici

L’origine des systèmes familiaux, tome 1 : l’Eurasie, par Emmanuel Todd, Ed. Gallimard, 2011

Le poids du papillon de Erri De Lucca

Voici un récit étrange lumineux, et pourtant d’une poésie âpre et juste qui pointe au cœur en nous mettant, nous lecteurs, dans la position d’un sniper au regard immobile et enlévé (au sens de rapté) par ce qu’il regarde. Il s’agit d’un duel dur entre l’homme et l’animal. Alpiniste amoureux de la montagne, De Lucca nous emmène en solitude et en silence. Et cependant pas une lourdeur, pas un faux pas ni un bruit qui résonnerait comme une obscénité. C’est du cousu main avec comme matière première un Chamois magnifique qui voit sa suprématie menacée en face d’un braconnier qui sait lui aussi que le temps joue contre lui. Face à ces puissances brutes il y a une paire d’ailes, tatouage léger, « plume ajoutée au poids des ans ».
Bernard Pivot écrit à propos de ce livre, dans le Journal du dimanche du 14 mai 2011 :   » Le poids du papillon, d’Erri De Luca, pèse peu dans la main et beaucoup dans le cœur et la mémoire  » *

Pour retrouver l’auteur en ligne, c’est ici